La presse en yiddish de Solidarité Juive traduite en français par Jo Szyster et déposée au CArCoB

L’organisation « Solidarité Juive » est née en 1939 et a cessé d’exister sous ce nom en 1969, année au cours de laquelle, avec d’autres groupes proches du 61 rue de la Victoire, (Contact 66, l’Amicale des Moniteurs, le Comité des Parents de l’UJJP et l’UJJP.) « Sol » est devenu l’UPJB.

Des jeunes Juifs, pour la plupart communistes, futurs créateurs de « Solidarité », avaient déjà créé avant la guerre un groupe informel qu’ils avaient appelé « Kultur farein » c’est-à-dire « Union culturelle », et qui se réunissaient souvent le dimanche au bois pour parler ensemble le yiddish, leur langue maternelle et pique-niquer, ils avaient publié à Mons en 1936 une petite brochure intitulée « PROKOR » (pour « Pro Colonizatsie in Ratn-farband »). Ce sont les mêmes (en partie), qui ont publié plus tard la presse en yiddish de Solidarité Juive. C’est de cette presse dont il s’agit ici.

Nous en connaissons l’existence qui s’étend sur une période qui va de mai 1943 à 1955. Un des premiers documents en notre possession est un tract en yiddish diffusé à l’occasion du 1er mai 1943 à Charleroi et signé « Parti communiste de Belgique, section de Charleroi ».
Immédiatement après, toujours à Charleroi, parait la publication du N°3 du journal « Unzer kamf » daté de juin 1943. Cette publication est suivie en octobre 43 d’une « circulaire N°2 » puis d’un exemplaire du journal « Notre Combat » N°4 daté d’août 44 et d’exemplaires de « Notre Combat » N°5 à N°32 du 31 mars 1945 publiés à Bruxelles.

En ce qui concerne les journaux proprement dits, nous connaissons les publications des journaux suivants :
UNZER KAMF (Notre Combat) N°2 d’octobre 1943 au N°32 de mars 1945.
SOLIDARITET (Solidarité) N°1 de juillet 1945 au N°21 d’octobre 1946.
UNZER VEG (Notre Voie) N°1 du ler mai 1947, (N° 1 sans suite).
LEBN UN SHOLEM (Vie et Paix) N°1 de décembre 1950 au N°48 de septembre 1955.

Aucun de ces journaux n’a été retrouvé dans les archives de SOL, mais ma soeur Dorette et moi en tenions la collection quasi complète que notre père Boris Szyster avait précieusement conservée. Nous avons décidé d’en faire don au Musée Juif de la Déportation et de la Résistance à Malines où ils sont conservés sous la rubrique « fonds Boris Szyster ».
Les 4 premiers numéros de « UNZER KAMF » ont été rédigés, tapés à la machine et stencilés à Charleroi, par la section de SOL de Charleroi, tous les autres numéros ont été édités à Bruxelles. En un premier temps, et sur les conseils de M. Adriaens, Directeur et Conservateur du Musée de Malines, nous avons établi un répertoire de tous les titres des articles et de toutes les annonces des journaux.

Il nous a paru intéressant de nous livrer à une petite analyse des annonces et communiqués des journaux de l’immédiat après-guerre, car ces éléments démontrent la grande audience que SOL avait dans la population juive immédiatement après la guerre, et l’importance du travail de reconstruction de la vie juive fourni par les militants et les « activistes » de SOL au cours de cette période.

 

Les annonces et communiqués divers couvrent tous les aspects de la vie sociale. On trouve des communiqués des mouvements d’entraide et des mouvements associatifs ; des annonces de vœux formulés à l’occasion de mariage, naissance, bar-mitsva ; des faire-part de décès ; des annonces d’activités culturelles telles que conférences, représentations théâtrales, fêtes de pourim, Hanoukka, bals, kermesses, ventes de vêtements ; des commémorations au « Tir National », des enterrements ; des changements d’adresse ; des offres d’emploi ; des annonces commerciales...
Ce sont surtout les annonces commerciales et les communiqués personnels (pour l’insertion desquels les gens payaient) qui montrent que ces journaux touchaient une large couche de la population juive yiddishophone. Il faut se souvenir qu’une partie importante de la population juive ne connaissait pas ou mal le français, et plusieurs d’entre nous se souviennent encore avec quelle impatience leurs parents attendaient leur « yiddishe tsaytung ».
SOL n’était évidemment pas la seule organisation juive de Belgique à publier un journal en yiddish, il y avait notamment le journal « UNZER VORT » du « Linke Poale Tsion ».
Nous n’avons aucune indication quant au tirage de cette presse en yiddish.

La première annonce commerciale a été publiée dans « UNZER KAMF » N°16 du 9 décembre 1944 ; elle est particulièrement savoureuse, nous vous la donnons in extenso en reproduisant en caractères latins certains mots français transcrits en yiddish :

  • LE YIDDISHE KUAFER (coiffeur) JOZEF INFORME SES CLIENTS ET AMIS QU’IL A OUVERT SON FRIZIR-SALON (salon-friseur) 5 RI GRIZAR (rue Grisard) PRES DE LA PLAS (place) BARA

Dans le même journal, on peut également lire trois communiqués non commerciaux qui montrent à quel public SOL s’adressait :

  • Le Comité de Défense Juif (C.D.J.) nous prie d’annoncer que son nouveau local se trouve ri goshret (rue Gaucheret), N°7.
  • L’Union des Patriotes Polonais annonce que ses bureaux ont déménagé de la rue Traversière au 73 ri di meridien (rue du Méridien) près de la gar di nor (gare du Nord).
  • Attention, travailleurs juifs de la maroquinerie ! le local de la permanence a été déplacé vers le local du k.l.s. (Kleer un Leder syndicat ?) à 1‘aveni di midi (avenue du Midi,) 76.
    Nous rappelons aux travailleurs de la maroquinerie qui ne sont pas encore syndiqués qu‘ils peuvent venir s‘inscrire chaque mardi et vendredi de 7 à 9 1/2 du soir.
    Le Comité Provisoire
     

    Dans le N°18 du 23/12/1944. on lit l’annonce suivante :

  • Communiqué. On demande tailleurs, coupeurs, couseurs manuels, couseurs de cuir, couseurs de boutonnière, employés et manoeuvres pour un atelier qui s‘ouvrira prochainement. Se présenter au « a.f k. » (?) service social à partir de mardi 26/12, 2H de l’après-midi.

De numéro en numéro, les communiqués et annonces sont de plus en plus nombreux, en particulier les offres d’emploi. Les emplois offerts sont toujours ceux des secteurs d’un artisanat traditionnel juif ; tailleurs, fourreurs, maroquiniers, coiffeurs...
Les journaux « UNZER KAMF » étaient des stencils, c’est à dire une reproduction d’un texte tapé à la machine à écrire mécanique. Le support se prêtait assez mal à l’insertion d’annonces. Il était impossible de mettre les annonces en évidence par des encadrés, des soulignés, des caractères gras ou des lettres de dimensions différentes etc.

Sans explication la publication de « UNZER KAMF » est arrêtée en mars 45 et à partir de juillet 1945, le journal « UNZER KAMF » est remplacé par « SOLIDARITET ». Ce dernier est un journal imprimé au format « papier ministre » ; (à peu près A4). Le N°1 comporte quatre pages, imprimées sur deux colonnes. A partir d’avril 1946, le format change, il est d’une dimension comparable à un A3 et est imprimé sur trois colonnes ; il comporte toujours 4 pages.
La qualité de la présentation n’a plus rien à voir avec un stencil, le journal est illustré de dessins, photos, les titres sont mis en évidence, il y a des encadrés et des soulignés de tous formats. Les annonces personnelles seront nombreuses Nous ne les reprenons pas ici.
Cette publication de « SOLIDARITET » se poursuivra jusqu’au N°21 daté du 25 octobre 1946 qui sera le dernier N° de ce journal.

Dès début 1947, SOL diffuse également le journal en yiddish publié par le mouvement frère de Paris, « La Presse nouvelle » (La Naïe Presse), et cela du numéro 3 janvier 47 au 5 mai 47 et ensuite « La Presse Nouvelle en Belgique » du 16 mai 1947 au N°32 d’octobre 1952.

Le 24 décembre 1950, un nouveau périodique est publié à Bruxelles et distribué par SOL c’est « LEBN un SHOLEM » (Vie et Paix). Le numéro 1 sera daté du 24 décembre 1950, le journal sera publié jusqu’au N° 32 daté d’octobre 1952.

Un journal intitulé « Yiddishe tsaytshrift », un seul exemplaire de ce journal N°1 daté du 15 novembre 1959 sera publié sans suite...

Ainsi se termine la publication d’une presse en yiddish par « SOLIDARITE JUIVE ».

Jo Szyster