La collection des Papiers personnels
La collection des Papiers personnels (une centaine de fonds) rassemble pour l’essentiel les archives privées, d’importance fort variable, d’anciens militants de la Jeunesse et du Parti communiste. Sam Kapanci, détenteur d’un Master en sociologie et engagé à cette fin temporairement au CArCoB, a effectué le relevé systématique de ces fonds pour en permettre l’exploitation. Désormais cet ensemble qui figure sur le site du CArCoB (Collections → Archives → Papiers personnels) est doté d’indications précises. Le chercheur y trouvera en principe l’identité du créateur du fonds, ses dates de naissance et de décès, son parcours militant ainsi que l’importance matérielle des documents. S’ils existent, le lecteur pourra consulter sur le site une notice biographique et le relevé ou l’inventaire. Ce dernier est soit déjà intégré dans notre logiciel Pallas, soit accessible par un document PDF, soit encore consultable en notre salle de lecture. Le développement de cet instrument de recherche se poursuit en permanence.
Correspondance entre Jules Raskin et Patrice Lumumba
- Portrait de Lumumba fait par Paul Renotte,
paru dans la revue Mensuelle Europe,
Janvier 1962.
Jules Raskin, l’avocat qui a sauvé le « dossier Julien Lahaut » a aussi conservé sa correspondance avec Patrice Lumumba qui fut pour lui plus qu’une relation politique. Il m’a autorisé à la photographier. Une quarantaine de lettres et de documents annexes peuvent désormais être consultés sur les ordinateurs du CArCoB. Pour l’essentiel, il s’agit de lettres écrites à partir de sa prison de Stanleyville en 1959 et 1960, tapées à la machine souvent sur papier pelure. Cette documentation n’apporte rien de nouveau par rapport à l’histoire des faits (voir la thèse d’Anne-Sophie Gijs) mais elle éclaire le caractère vraiment amical des relations entre Lumumba et ses correspondants Jules Raskin et Marcel Levaux. En témoignent ses notes manuscrites de salutation, un bonjour à la fille de Jules Raskin, une enfant que Lumumba avait vue quand il avait logé chez lui. Le bon souvenir de son accueil à Liège et le rêve de faire venir, après l’indépendance, des travailleurs et techniciens liégeois pour participer à la construction du nouveau Congo. Si Lumumba ne fait pas profession de foi communiste, au-delà de son anticolonialisme, il affirme son anti-impérialisme et sait qu’il peut s’appuyer sur les communistes.
Jules Raskin avait conduit Lumumba à l’atelier photographique du Grand Bazar (grand magasin de la place Saint-Lambert à Liège) pour réaliser un beau portrait professionnel. C’est à partir de cette photo que l’artiste communiste Paul Renotte réalise un dessin pour la couverture de la revue Europe consacrée au leader africain assassiné.
Les archives personnelles d’Adhémar Hennaut
Le CArCoB vient de s’enrichir d’un fond d’une importance capitale pour l’histoire des dix premières années d’existence du PCB ainsi que de différentes mouvances trotskistes. Les archives d’Adhémar Hennaut, 1889-1977 (12 boîtiers), ont été inventoriées par Sam Kapanci qui a consacré son mémoire de maîtrise en sociologie à sa biographie (Sam Kapanci, Entre sociologie et histoire. Parcours d’un militant communiste, Adhémar Hennaut, Master de Sociologie. Bruxelles, ULB, 2013). Ouvrier peintre, A.H., proche de War Van Overstraeten, fonde avec lui le premier PCB et se retrouve à la direction du parti unifié. Militant syndical, parfait bilingue, orateur brillant dans les deux langues, il assure la direction du Roode Vaan. En même temps, il se fait le secrétaire minutieux du Bureau Exécutif et du Comité Central dont ses archives recèlent donc les procès verbaux très développés. De 1921 à 1927, ces PV (qui font défaut dans les archives de l’Internationale à Moscou) sont éclairés de surcroît par une correspondance suivie avec les différents responsables locaux et nationaux du PC et enrichis d’abondants documents, directives et publications. C’est lui qui est en charge de la réorganisation du PC sur base des cellules d’entreprises, la fameuse « bolchévisation ». Ses démêlés avec les directions syndicales offrent également un tableau saisissant de la lutte opiniâtre des dirigeants sociaux-démocrates contre les communistes et témoignent des appuis non négligeables dont ces derniers disposaient à la base. À partir de 1925, Hennaut prend le parti de War Van Overstraeten dans la question russe et suivra celui ci dans la création de l’Opposition, la rupture avec le PCB et les diverses tentatives de mettre sur pied des structures communément appelées « trotskystes », au plan national et international. On peut donc suivre - et Nadia De Beule en avait fait large usage - les avatars des communistes internationalistes jusqu’à la guerre. S’il ne milite plus pendant et après guerre, il garde un contact épistolaire avec bien de ces militants, dont Rosmer et Pannenkoek, avant de cesser toute activité. Sam Kapanci est l’auteur de la notice biographique de Hennaut parue dans le Dictionnaire Biographique du Mouvement ouvrier belge. (http://maitron-en-ligne.univ-paris1...).
Les papiers personnels de Gaston Moulin
- Gaston Moulin lors du 16e Congrès du PCB,
Bruxelles, 1965, collection CArCoB.
Gaston Moulin naît à Anvers le 18 juin 1911 dans une famille bourgeoise d’origine paysanne et décède le 7 septembre 1981. Il réalise des études d’ingénieur agronome à Gembloux et obtient son diplôme en 1934.
En 1944, il devient membre du Parti communiste. La même année il crée, avec des amis, le Mouvement de Défense Paysanne. C’est en 1951 que Moulin intègre le Comité Central du Parti ainsi que la Commission Nationale Paysanne. Trois ans plus tard, il rentre dans le Bureau Politique. Durant sa carrière politique au sein du PCB, Moulin est élu comme représentant à la Chambre de l’arrondissement de Nivelles de 1958 à 1961. De 1961 à 1965, il devient député pour l’arrondissement de Bruxelles grâce à son ami Jean Blume qui lui cède son mandat à la Chambre. Il est réélu une seconde fois en 1968 pour représenter l’arrondissement de Bruxelles. En 1971, il quitte le PCB et décide de rejoindre le FDF. Il ne reste que quatre ans au sein du parti fédéraliste francophone et met un terme à ses activités politiques en 1975.
Ce dernier a laissé au Parti un fonds de sept boîtes, couvrant une période qui débute en 1951, date à laquelle il accède à la direction du Parti, et qui s’achève en 1967. S’y trouvent des documents de travail et des notes manuscrites liés à ses fonctions de dirigeant, relatifs aux réunions du Comité Central, du Bureau Politique, du Secrétariat, des congrès nationaux et des congrès fédéraux. Une boîte concerne son activité au sein de la Commission Nationale Paysanne et témoigne d’un intérêt qui lui a beaucoup porté à cœur : le monde agricole et les paysans. La direction du Mouvement de Défense Paysanne qu’il a assumé plusieurs années atteste également de cette préoccupation. Deux chemises concernent d’ailleurs au sein du fonds les VIe (1956) et VIIIe (1960) congrès de cette organisation. Sa correspondance en tant que dirigeant et député du parti a été soigneusement conservée mais ne couvre que la période 1958-1965 avec des trous pour les années 1961, 1962 et 1964. Enfin, le fonds renferme des archives qui sont plus particulièrement liées à l’activité parlementaire de Moulin et qui se concentrent sur des questions telles que le déclin de l’industrie charbonnière, la situation des travailleurs de l’hôtellerie, la libération des inciviques Elias et Hellebaut ou encore la construction du Canal Escaut-Rhin.
Les archives du Cercle d’éducation populaire (CEP)
- Affiche d’une soirée poésie du Cercle d’Éducation
populaire, collection du CArCoB.
Le Cercle d’éducation populaire est une association culturelle créée par deux militants du Parti communiste, les époux Sarah Arbuz et Henri Sonnenbluck, qui fut active à Bruxelles pendant 40 ans, de 1956 à 1996. Propulsé par le talent de conférencier de Bob Claessens, docteur en droit et membre du Comité Central du Parti affecté au travail culturel, le CEP (d’abord appelé Cycle d’éducation populaire) a eu pour vocation de proposer des conférences, des brochures et des cahiers de textes de conférences, des visites guidées, des ateliers et des voyages à un large public. Les époux Sonnenbluck éditaient également un bulletin d’information mensuel puis bimensuel ainsi qu’une « Librairie Express » visant à diffuser les ouvrages de leurs conférenciers invités, parmi lesquels on note de nombreux militants – Isabelle Blume, Ernest Mandel, Jacques Lemaître, Rosine Lewin… – et intellectuels engagés – Willy Peers, François Houtart, Dominique Pire, Marcel Liebman… – non seulement belges mais aussi français – Roger Garaudy, Gisèle Halimi, Étienne Balibar, Henri Guillemin… À son apogée, le CEP comptait plus de 3 800 membres, organisait des voyages à l’étranger durant parfois plusieurs semaines et proposait de nombreux ouvrages via les Éditions du CEP.
Les archives du CEP contiennent notamment une quantité importante de papiers personnels de Bob Claessens, consistant en des brouillons de textes de conférences ou de visites guidées, notes de lecture et maquettes de publications. Le fonds comprend également plusieurs documents administratifs de la Fondation Bob Claessens-Fonds, une association fondée en 1971 à la mémoire de Bob Claessens « sans considération d’option, de langue ou de milieu ». L’association co-édita avec les Éditions du CEP la biographie du conférencier, Bob Claessens : le temps d’une vie, préparée par Odette Henri, rédigée par Colette Fontaine et dont les textes de préparation, notes et transcriptions d’entretiens avec des proches sont disponibles en formats manuscrit, tapuscrit et en cassettes. Enfin, les archives du CEP contiennent aussi plusieurs documents, textes et carnets de travail des époux Sonnenbluck : bulletins renvoyés avec messages d’insulte, brouillons des bulletins d’information, questionnaires à propos des activités du CEP remplis par ses membres, prospectus de théâtres et de musées, maquettes relues de diverses publications… et également quelques objets tels que des tampons et des plaques « CEP », des pellicules, des affiches, des cartes postales.
Ce fonds, composé de quelques 2 mètres linéaires, donne un aperçu de la forme que pouvait prendre une association culturelle destinée à un large public dans la deuxième moitié du XXe siècle et du succès qu’a pu rencontrer une telle entreprise, pourtant initiée avec des moyens modestes et qui parvint à diversifier grandement ses activités.